La réforme de l’épargne retraite instaurée par la loi PACTE a profondément modifié le paysage des produits d’épargne dédiés à la retraite. Parmi les changements majeurs figure la création du Plan d’Épargne Retraite (PER), venant remplacer progressivement les anciens dispositifs comme le contrat Préfon-Retraite. Cette transformation soulève de nombreuses questions fiscales pour les titulaires d’anciens contrats Préfon qui envisagent un transfert vers le nouveau PER. Entre maintien des droits acquis, nouvelles opportunités fiscales et points de vigilance, les implications fiscales de ce transfert méritent une analyse détaillée. Ce guide examine les conséquences fiscales du transfert des contrats Préfon vers le PER, en décortiquant le cadre juridique applicable et les stratégies d’optimisation possibles.
Le cadre juridique du transfert des contrats Préfon vers le PER
Le transfert des contrats Préfon vers le Plan d’Épargne Retraite s’inscrit dans un cadre juridique précis, défini principalement par la loi PACTE du 22 mai 2019. Cette réforme vise à uniformiser et simplifier les dispositifs d’épargne retraite en France. La Préfon-Retraite, régime créé en 1967 pour les fonctionnaires et assimilés, fait partie des contrats concernés par cette harmonisation.
L’article 71 de la loi PACTE prévoit expressément la possibilité de transférer les droits individuels en cours de constitution sur un contrat Préfon vers un PER. Ce transfert est encadré par des dispositions transitoires qui garantissent le respect des droits acquis tout en intégrant le nouveau cadre réglementaire du PER.
L’ordonnance n° 2019-766 du 24 juillet 2019 complète ce dispositif en précisant les modalités techniques du transfert. Elle est elle-même précisée par le décret n° 2019-807 du 30 juillet 2019, qui détaille notamment les conditions dans lesquelles les droits individuels en cours de constitution sont transférés.
Du point de vue juridique, le transfert d’un contrat Préfon vers un PER constitue une novation de contrat, c’est-à-dire la substitution d’un engagement contractuel par un autre. Cette qualification juridique a des implications fiscales considérables. En effet, la doctrine fiscale, notamment précisée dans le BOI-RSA-PENS-10-10-20, considère que ce transfert ne constitue pas un fait générateur d’imposition, sous réserve que certaines conditions soient respectées.
La Commission des Opérations de Bourse (COB) et l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ont émis plusieurs recommandations concernant l’information précontractuelle due aux épargnants lors de ces transferts. Les établissements gestionnaires sont tenus de fournir une information claire, précise et non trompeuse sur les conséquences fiscales du transfert.
Le cadre juridique prévoit trois types de PER susceptibles d’accueillir les droits transférés d’un contrat Préfon :
- Le PER individuel (PERin), successeur naturel des contrats PERP et Préfon
- Le PER d’entreprise collectif (PERECO), qui remplace le PERCO
- Le PER d’entreprise obligatoire (PERO), successeur des contrats « article 83 »
La nature du PER choisi pour le transfert aura des incidences sur le régime fiscal applicable, notamment en matière de déductibilité des versements futurs et de fiscalité à la sortie. Le transfert vers un PER individuel reste l’option la plus cohérente pour les titulaires de contrats Préfon, en raison de la similarité des régimes.
Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2019-784 DC du 27 juin 2019, a validé l’ensemble du dispositif de transfert prévu par la loi PACTE, écartant notamment les griefs tirés d’une rupture d’égalité devant les charges publiques.
Traitement fiscal des cotisations déduites avant le transfert
La question du traitement fiscal des cotisations antérieurement déduites constitue un enjeu majeur pour les titulaires de contrats Préfon envisageant un transfert vers un PER. Le principe fondamental posé par l’administration fiscale est celui de la neutralité fiscale du transfert, sous réserve de certaines conditions.
Avant d’analyser le sort des déductions fiscales antérieures, rappelons que les cotisations versées sur un contrat Préfon bénéficiaient d’un régime fiscal avantageux. Ces versements étaient déductibles du revenu global dans la limite d’un plafond annuel. Pour l’année 2022, ce plafond s’établissait à 10% des revenus professionnels de l’année précédente, limités à 8 Plafonds Annuels de la Sécurité Sociale (PASS), soit environ 32 909 euros, ou à 10% du PASS pour les personnes sans revenus professionnels.
Lors du transfert vers un PER, l’article 12 de l’ordonnance n° 2019-766 prévoit expressément que les déductions fiscales dont a bénéficié le titulaire pour les cotisations versées antérieurement au transfert sont maintenues. Concrètement, l’administration ne remet pas en cause les avantages fiscaux déjà obtenus, ce qui constitue une garantie fondamentale pour les épargnants.
Cette neutralité fiscale s’explique par la volonté du législateur de ne pas pénaliser les transferts et de faciliter la transition vers le nouveau dispositif PER. Elle se matérialise par l’absence de réintégration dans le revenu imposable des sommes antérieurement déduites.
Toutefois, cette neutralité est soumise à une condition essentielle : le respect de l’antériorité fiscale. En effet, les droits issus de cotisations ayant bénéficié d’avantages fiscaux conservent leur « mémoire fiscale » lors du transfert. Cette traçabilité fiscale est assurée par les établissements gestionnaires qui doivent identifier précisément l’origine des droits transférés.
La jurisprudence du Conseil d’État, notamment dans sa décision n° 428048 du 27 juin 2019, confirme cette approche en précisant que le transfert ne constitue pas, en lui-même, un fait générateur d’imposition dès lors qu’il n’entraîne pas de mise à disposition des fonds au profit du titulaire.
En pratique, les établissements gestionnaires du PER d’accueil doivent identifier trois compartiments distincts pour accueillir les droits transférés :
- Le compartiment des versements volontaires ayant donné lieu à déduction fiscale (C1)
- Le compartiment des versements volontaires n’ayant pas donné lieu à déduction (rare dans le cas de Préfon)
- Le compartiment des produits générés par les versements (intérêts, plus-values)
Cette compartimentation permet de garantir l’application du régime fiscal approprié lors de la sortie en rente ou en capital. Les droits acquis sur le contrat Préfon sont convertis en points ou en unités de compte sur le PER d’accueil, selon les modalités prévues par le règlement de ce dernier.
Il convient de souligner que l’instruction fiscale BOI-RSA-PENS-10-20-20 précise que le transfert n’affecte pas le calcul des plafonds de déductibilité pour les versements futurs. Le transfert est donc neutre à la fois pour les avantages passés et pour la capacité de déduction future.
Impact fiscal sur les versements futurs après transfert
Le transfert d’un contrat Préfon vers un PER modifie substantiellement le cadre fiscal applicable aux versements futurs. Cette nouvelle configuration mérite une attention particulière pour optimiser sa stratégie d’épargne retraite.
Après transfert, les versements volontaires effectués sur le PER bénéficient du régime de déductibilité prévu par l’article 163 quatervicies du Code Général des Impôts. Ce régime permet de déduire les cotisations de l’assiette de l’impôt sur le revenu dans la limite d’un plafond global. Pour 2023, ce plafond s’établit à 10% des revenus professionnels de l’année précédente, limités à 8 fois le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS), soit environ 34 975 euros.
Une différence notable avec le régime Préfon concerne la possibilité de reporter les plafonds non utilisés. Le PER permet de capitaliser les droits à déduction non consommés des trois années précédentes, ce que ne permettait pas le régime Préfon. Cette faculté de report constitue un avantage significatif pour les épargnants souhaitant effectuer des versements importants ponctuellement.
Le PER individuel offre par ailleurs une souplesse nouvelle : la possibilité de renoncer à la déduction fiscale pour certains versements. Cette option, à exercer lors de chaque versement, permet de diversifier la fiscalité future à la sortie. Les versements non déduits seront exonérés d’impôt sur le revenu lors du rachat, seuls les gains étant alors imposables.
Pour les fonctionnaires et agents publics qui constituaient la clientèle traditionnelle de Préfon, le transfert vers un PER peut s’accompagner d’une réflexion sur l’articulation entre ce dispositif et le régime additionnel de la fonction publique (RAFP). Les cotisations obligatoires au RAFP n’entrent pas dans le calcul du plafond de déduction du PER, ce qui permet de cumuler les deux avantages.
L’administration fiscale a précisé dans le BOI-RSA-PENS-10-10-20-20 que le transfert d’un contrat Préfon vers un PER n’affecte pas le calcul des plafonds de déductibilité pour les versements futurs. Ainsi, un transfert effectué en cours d’année n’a pas d’incidence sur la déductibilité des versements déjà effectués sur le contrat Préfon avant transfert.
En matière de stratégie d’investissement, le PER offre généralement une palette de supports financiers plus large que les contrats Préfon traditionnels. Cette diversification peut permettre d’optimiser le rendement de l’épargne, mais elle s’accompagne également d’une responsabilité accrue dans les choix d’investissement. Les versements peuvent être orientés vers des fonds en euros sécurisés ou des unités de compte plus dynamiques mais comportant un risque de perte en capital.
Un point d’attention concerne les frais applicables aux versements futurs. Le transfert peut être l’occasion de négocier des conditions tarifaires avantageuses auprès du nouvel établissement gestionnaire. La loi PACTE a renforcé les obligations de transparence sur les frais, facilitant la comparaison entre les offres du marché.
Enfin, le transfert peut être l’occasion de mettre en place une stratégie de gestion pilotée, dispositif par lequel l’allocation d’actifs est automatiquement ajustée en fonction de l’horizon de départ à la retraite. Cette option, rendue obligatoire par la loi PACTE comme mode de gestion par défaut des PER, n’existait pas dans les contrats Préfon traditionnels.
Cas particulier des rachats de trimestres dans le régime Préfon
Le régime Préfon permettait le rachat de points correspondant à des années antérieures à l’adhésion, dans la limite de 12 années. Ce dispositif spécifique disparaît avec le transfert vers un PER, qui ne prévoit pas de mécanisme équivalent. Les rachats effectués avant transfert conservent toutefois tous leurs effets en termes de droits acquis.
Fiscalité applicable à la sortie du PER après transfert
La fiscalité applicable à la sortie d’un PER constitue l’un des changements majeurs par rapport au régime Préfon. Cette nouvelle configuration offre davantage d’options mais introduit également une complexité accrue dans les choix à effectuer au moment de la retraite.
La principale innovation du PER réside dans la liberté de choix entre une sortie en rente viagère ou en capital, là où le régime Préfon imposait principalement une sortie en rente. Cette flexibilité s’accompagne toutefois de régimes fiscaux différenciés selon le mode de sortie choisi et l’origine des sommes.
Pour les droits issus du transfert d’un contrat Préfon, correspondant à des versements ayant bénéficié d’une déduction fiscale, la fiscalité applicable à la sortie sera la suivante :
Sortie en rente viagère
La rente issue du PER sera imposable selon le régime des pensions et retraites, après application d’un abattement de 10%. Ce régime est identique à celui qui aurait été appliqué à la rente Préfon en l’absence de transfert. La rente sera également soumise aux prélèvements sociaux au taux réduit de 10,1% (contre 17,2% pour les revenus du patrimoine). Ce maintien du régime fiscal antérieur constitue une garantie importante pour les épargnants.
Il convient de noter que le PER offre des options de rente plus diversifiées que le contrat Préfon traditionnel. Outre la rente simple, l’épargnant peut opter pour une rente avec réversion, une rente à annuités garanties ou encore une rente par paliers. Ces options peuvent avoir une incidence sur le montant de la rente servie et doivent être intégrées dans la réflexion globale sur la stratégie de sortie.
Sortie en capital
Pour les droits issus de versements déduits sur un contrat Préfon puis transférés vers un PER, la sortie en capital est soumise à l’impôt sur le revenu sans application du système du quotient. Le contribuable peut toutefois opter pour un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8% sur la part correspondant aux versements initiaux. Les produits (intérêts et plus-values) sont quant à eux systématiquement soumis au PFU de 12,8%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%.
Cette possibilité de sortie en capital constitue une innovation majeure par rapport au régime Préfon, qui limitait strictement cette option. Elle permet notamment de répondre à des besoins ponctuels importants au moment de la retraite, comme l’acquisition d’une résidence principale ou le remboursement d’un prêt immobilier.
La loi PACTE a prévu une disposition spécifique pour les droits issus de transferts de contrats préexistants comme Préfon. L’article L. 224-40 du Code monétaire et financier garantit la possibilité d’une sortie en rente dans les mêmes conditions que celles prévues par le contrat d’origine, même si le PER d’accueil ne prévoit pas cette modalité de sortie. Cette disposition protège les droits acquis des épargnants ayant initialement souscrit en vue d’une sortie en rente.
Un point d’attention particulier concerne la fiscalité des sorties fractionnées. Le PER permet en effet de combiner sortie en capital et sortie en rente, ou d’échelonner la sortie en capital dans le temps. Ces options peuvent permettre d’optimiser la pression fiscale, notamment en lissant les revenus imposables sur plusieurs années.
Pour les fonctionnaires et agents publics, la réflexion sur la sortie doit intégrer l’articulation entre la pension de retraite, la rente éventuelle issue du RAFP (Régime Additionnel de la Fonction Publique) et les prestations du PER. Une analyse globale de la situation est recommandée pour déterminer la stratégie optimale.
Enfin, il convient de mentionner que les cas de déblocage anticipé sont plus nombreux dans le PER que dans le régime Préfon. Outre les cas d’invalidité, de décès du conjoint ou de surendettement déjà prévus par Préfon, le PER permet un déblocage anticipé pour l’acquisition de la résidence principale. Cette souplesse accrue peut constituer un avantage significatif du transfert pour certains épargnants.
Stratégies d’optimisation fiscale lors du transfert Préfon vers PER
Le transfert d’un contrat Préfon vers un PER offre diverses opportunités d’optimisation fiscale qu’il convient d’explorer attentivement pour maximiser les avantages de cette opération. Ces stratégies doivent être adaptées à la situation personnelle de chaque épargnant.
La première décision stratégique concerne le choix du moment optimal pour effectuer le transfert. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte :
- L’âge du titulaire et la proximité de la retraite
- Le montant des droits accumulés sur le contrat Préfon
- Les projets de versements futurs
- La tranche marginale d’imposition actuelle et anticipée à la retraite
Pour les épargnants proches de la retraite, le transfert peut présenter un intérêt limité si l’objectif est uniquement une sortie en rente. En revanche, pour ceux qui souhaitent bénéficier d’une sortie partielle en capital, le transfert devient pertinent même à l’approche de la retraite.
Une stratégie d’optimisation consiste à effectuer un versement conséquent sur le contrat Préfon juste avant le transfert, en utilisant au maximum le plafond de déduction disponible. Ce versement bénéficiera de la déduction fiscale du régime Préfon tout en intégrant ensuite le PER, où il pourra faire l’objet d’une sortie en capital si l’épargnant le souhaite. Cette approche permet de combiner l’avantage fiscal à l’entrée du régime Préfon avec la flexibilité de sortie du PER.
Le choix du PER d’accueil constitue également un levier d’optimisation. Les offres disponibles sur le marché présentent des différences significatives en termes de :
- Frais (sur versement, de gestion annuelle, d’arbitrage)
- Options de gestion financière (fonds en euros, unités de compte, gestion pilotée)
- Modalités de sortie (tables de mortalité utilisées pour la conversion en rente, options de rente proposées)
Une comparaison attentive de ces éléments est indispensable avant de procéder au transfert. Le taux technique utilisé pour la conversion des droits en rente mérite une attention particulière, car il peut varier significativement d’un établissement à l’autre.
Pour les épargnants disposant d’une capacité d’épargne importante, une stratégie de diversification des enveloppes fiscales peut être pertinente. Elle consiste à combiner le PER avec d’autres dispositifs comme l’assurance-vie ou les plans d’épargne en actions (PEA). Cette approche permet d’optimiser la fiscalité globale en fonction des horizons de placement et des objectifs poursuivis.
Le fractionnement des versements sur plusieurs années fiscales peut également constituer une stratégie d’optimisation après transfert. En étalant les versements, l’épargnant peut maximiser l’effet de la déduction fiscale, particulièrement s’il anticipe une progression de ses revenus et donc de sa tranche marginale d’imposition.
Pour les couples, une réflexion sur la mutualisation des plafonds de déduction entre conjoints peut s’avérer pertinente. Le Code général des impôts prévoit que les plafonds de déduction sont calculés pour chaque membre du foyer fiscal. Une répartition optimale des versements entre conjoints peut ainsi permettre de maximiser l’avantage fiscal global.
Enfin, la stratégie de sortie doit être anticipée dès le transfert. Si une sortie en capital est envisagée pour une partie des droits, il peut être judicieux de structurer le PER en conséquence, notamment en séparant clairement les compartiments correspondant aux différentes origines des versements.
Cas pratique d’optimisation
Considérons le cas d’un fonctionnaire de 55 ans disposant d’un contrat Préfon valorisé à 100 000 euros, constitué intégralement de versements ayant bénéficié de la déduction fiscale. Son taux marginal d’imposition est de 30%.
Avant d’effectuer le transfert vers un PER, il réalise un versement complémentaire de 15 000 euros sur son contrat Préfon, ce qui lui procure une économie d’impôt de 4 500 euros (15 000 × 30%).
Après transfert, il adopte une stratégie mixte pour ses futurs versements sur le PER :
- Une partie en versements déduits pour maintenir l’avantage fiscal à l’entrée
- Une partie en versements non déduits pour diversifier la fiscalité à la sortie
À la retraite, il pourra opter pour :
- Une sortie en capital pour les besoins ponctuels (rénovation de sa résidence principale)
- Une sortie en rente pour compléter ses revenus réguliers
Cette stratégie lui permet de bénéficier à la fois des avantages fiscaux à l’entrée et de la flexibilité à la sortie, tout en adaptant sa solution d’épargne retraite à ses besoins spécifiques.
Perspectives et évolutions du cadre fiscal des transferts
Le cadre fiscal des transferts de contrats Préfon vers le PER n’est pas figé et pourrait connaître des évolutions significatives dans les années à venir. Ces potentiels changements méritent d’être anticipés pour adapter sa stratégie d’épargne retraite.
Plusieurs facteurs pourraient influencer l’évolution du cadre fiscal. En premier lieu, le contexte budgétaire tendu pourrait conduire les pouvoirs publics à reconsidérer certains avantages fiscaux attachés à l’épargne retraite. Les débats récurrents sur la réforme des retraites et son financement pourraient également avoir des répercussions sur la fiscalité de l’épargne retraite supplémentaire.
Le succès rencontré par le PER depuis son lancement en octobre 2019 pourrait paradoxalement constituer un facteur de risque. Avec plus de 6 millions de titulaires et un encours dépassant les 100 milliards d’euros fin 2022 selon les chiffres de la Fédération Française de l’Assurance, le coût fiscal du dispositif pour les finances publiques s’accroît, ce qui pourrait justifier des ajustements futurs.
Parmi les évolutions envisageables, on peut mentionner :
- Une révision des plafonds de déductibilité des versements
- Une modification du régime fiscal applicable aux sorties en capital
- Un encadrement plus strict des conditions de transfert entre dispositifs d’épargne retraite
La jurisprudence pourrait également faire évoluer l’interprétation de certains aspects du régime fiscal. Plusieurs contentieux sont en cours concernant notamment la qualification fiscale des droits transférés et les modalités d’application du PFU aux sorties en capital.
Les comparaisons internationales montrent que la France se situe dans une position intermédiaire en termes d’incitations fiscales à l’épargne retraite. Les pays anglo-saxons ont généralement des dispositifs plus incitatifs, tandis que certains pays d’Europe du Nord ont réduit les avantages fiscaux associés à l’épargne retraite volontaire. Cette position médiane pourrait plaider pour une stabilité relative du cadre fiscal français.
Sur le plan européen, les travaux en cours sur le produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP) pourraient à terme influencer le cadre national. Bien que le PEPP ne remplace pas les dispositifs nationaux, sa mise en œuvre pourrait conduire à une certaine harmonisation des pratiques fiscales entre États membres.
Face à ces incertitudes, plusieurs recommandations peuvent être formulées pour les titulaires de contrats Préfon envisageant un transfert :
Premièrement, il peut être judicieux d’intégrer dans sa réflexion un principe de précaution fiscale. Les avantages fiscaux actuels ne sont pas garantis à long terme, et une stratégie diversifiée (combinant par exemple versements déduits et non déduits) peut offrir une meilleure résilience face aux évolutions réglementaires futures.
Deuxièmement, une veille régulière sur les évolutions législatives et réglementaires s’impose. Les lois de finances peuvent introduire des modifications significatives du cadre fiscal, parfois avec des délais d’application courts. Cette veille peut être facilitée par le recours à un conseiller spécialisé.
Troisièmement, la souscription d’un PER auprès d’un établissement offrant une bonne réactivité et capacité d’adaptation aux évolutions réglementaires constitue un atout. Certains établissements se distinguent par la qualité de leur information aux clients et leur capacité à proposer rapidement des solutions adaptées aux changements réglementaires.
Enfin, il convient de rappeler que l’épargne retraite s’inscrit dans une perspective de long terme. Au-delà des considérations fiscales, qui restent importantes mais contingentes, la qualité intrinsèque du produit (performance financière, frais, options de sortie) doit demeurer un critère de choix essentiel.
La transformation digitale des acteurs de l’épargne retraite constitue par ailleurs une tendance de fond qui pourrait modifier significativement l’expérience des épargnants. Les contrats Préfon traditionnels étaient caractérisés par une gestion relativement classique, tandis que les nouveaux PER intègrent de plus en plus des fonctionnalités digitales avancées (simulation personnalisée, pilotage en temps réel, arbitrages en ligne). Cette évolution, bien que non directement liée à la fiscalité, peut constituer un facteur décisionnel supplémentaire dans la réflexion sur le transfert.
Projection fiscale à long terme
Pour un épargnant de 45 ans effectuant aujourd’hui un transfert, l’horizon de sortie se situe à environ 20-25 ans. Sur une telle durée, les modifications du cadre fiscal sont pratiquement inévitables. Une approche prudente consiste à diversifier non seulement les supports d’investissement mais aussi les régimes fiscaux applicables à l’épargne constituée.
Les points de vigilance et erreurs à éviter lors du transfert
Le transfert d’un contrat Préfon vers un PER comporte plusieurs écueils potentiels qu’il convient d’identifier pour sécuriser l’opération sur le plan fiscal. Ces points de vigilance concernent tant la préparation du transfert que sa mise en œuvre et le suivi post-transfert.
La première erreur à éviter concerne l’absence d’analyse préalable de la situation personnelle. Le transfert n’est pas systématiquement avantageux pour tous les profils d’épargnants. Pour les personnes très proches de la retraite, notamment celles qui envisagent exclusivement une sortie en rente, le bénéfice du transfert peut s’avérer limité au regard des démarches à accomplir et des frais éventuels.
Un point critique concerne la conservation des justificatifs fiscaux relatifs aux versements effectués sur le contrat Préfon avant transfert. Ces documents peuvent s’avérer précieux en cas de contrôle fiscal, particulièrement si l’administration venait à interroger l’origine des droits transférés. Il est recommandé de conserver les avis d’imposition et attestations de versements pendant au moins les quatre années correspondant au délai de reprise de l’administration fiscale.
La négligence dans le choix du PER d’accueil constitue une autre erreur fréquente. Les différences entre les offres du marché peuvent avoir un impact significatif sur la rentabilité à long terme de l’épargne. Une attention particulière doit être portée aux frais (sur versement, de gestion annuelle, d’arbitrage, de transfert sortant), qui peuvent varier considérablement d’un établissement à l’autre. De même, la qualité de la gestion financière et la diversité des supports proposés méritent un examen approfondi.
Sur le plan strictement fiscal, plusieurs points de vigilance s’imposent :
- S’assurer que l’établissement d’accueil identifie correctement les compartiments correspondant aux différentes origines des droits transférés
- Vérifier que les informations transmises à l’administration fiscale par l’établissement sont exactes (notamment via la déclaration IFU)
- Conserver une traçabilité des droits transférés pour faciliter les choix futurs de sortie
Une erreur particulièrement préjudiciable consisterait à procéder à un rachat total du contrat Préfon au lieu d’un transfert direct vers le PER. Cette opération entraînerait l’imposition immédiate des sommes rachetées, perdant ainsi le bénéfice de la neutralité fiscale du transfert. Le transfert doit impérativement s’effectuer de gestionnaire à gestionnaire, sans que les fonds transitent par le compte bancaire du titulaire.
Certains épargnants commettent l’erreur de négliger les spécificités du contrat Préfon d’origine. Certains contrats anciens peuvent comporter des garanties particulières (taux technique garanti, table de mortalité favorable) qui ne seront pas nécessairement reproduites dans le PER d’accueil. Une évaluation précise de ces garanties est indispensable avant toute décision de transfert.
Le fractionnement du transfert peut constituer une erreur stratégique. Bien que techniquement possible, le transfert partiel d’un contrat Préfon vers un PER peut complexifier la gestion de l’épargne retraite sans apporter d’avantage fiscal significatif. Dans la plupart des cas, un transfert total est préférable pour bénéficier pleinement des nouvelles possibilités offertes par le PER.
Une vigilance particulière s’impose concernant les délais de transfert. Un transfert initié en fin d’année peut parfois n’être effectif qu’au début de l’année suivante, ce qui peut avoir des incidences sur les plafonds de déduction disponibles et la stratégie fiscale globale.
Enfin, il convient d’être attentif aux évolutions réglementaires en cours de procédure de transfert. La réglementation fiscale applicable à l’épargne retraite peut connaître des modifications, notamment à l’occasion des lois de finances. Un transfert initié dans un certain contexte réglementaire pourrait être finalisé dans un cadre différent.
Cas pratique : erreurs à éviter
Considérons le cas d’un fonctionnaire de 58 ans disposant d’un contrat Préfon ancien (souscrit en 1995) avec un taux technique garanti de 4,5% pour la conversion en rente. Ce contrat comporte également une garantie de table de mortalité favorable.
L’erreur consisterait à transférer ce contrat vers un PER sans avoir évalué précisément la valeur actuarielle de ces garanties. Dans ce cas précis, le maintien dans le contrat Préfon pourrait s’avérer plus avantageux, notamment si l’objectif principal est une sortie en rente à court terme.
En revanche, pour un épargnant plus jeune ou privilégiant une sortie en capital, le transfert peut rester pertinent malgré la perte de ces garanties spécifiques.
Ce cas illustre l’importance d’une analyse personnalisée prenant en compte l’ensemble des caractéristiques du contrat d’origine et des objectifs de l’épargnant.
