La pergola en litige : Guide complet des mesures conservatoires et recours juridiques

Les litiges concernant les pergolas se multiplient dans le contentieux immobilier et du voisinage en France. Entre autorisations administratives, respect des règles d’urbanisme et relations de voisinage, l’installation d’une pergola peut rapidement devenir source de conflit. Face à ces situations, les mesures conservatoires représentent un outil juridique précieux pour préserver les droits des parties en attendant une décision définitive. Ce guide juridique analyse les fondements légaux des litiges liés aux pergolas et détaille les mécanismes de protection temporaire que constituent les mesures conservatoires, tout en proposant des stratégies concrètes pour gérer efficacement ces situations conflictuelles.

Fondements juridiques des litiges relatifs aux pergolas

Les pergolas, ces structures extérieures destinées à créer des espaces ombragés dans les jardins ou sur les terrasses, sont soumises à un cadre réglementaire précis dont la méconnaissance génère fréquemment des contentieux. Pour comprendre l’origine des litiges et envisager les mesures conservatoires adaptées, il convient d’abord d’identifier les règles applicables et les motifs de contestation les plus courants.

Le Code de l’urbanisme constitue le premier corpus de règles encadrant l’installation des pergolas. Selon l’article R.421-9 du Code de l’urbanisme, les pergolas dont l’emprise au sol ou la surface de plancher est comprise entre 5 m² et 20 m² sont soumises à une déclaration préalable de travaux. Au-delà de 20 m², un permis de construire devient obligatoire. Ces seuils peuvent varier dans certaines zones protégées ou selon les dispositions particulières du plan local d’urbanisme (PLU).

Les règles d’urbanisme locales jouent un rôle déterminant dans la légalité d’une pergola. Le PLU peut imposer des contraintes spécifiques concernant la hauteur, l’implantation, les matériaux ou l’aspect extérieur des constructions. Dans certaines communes, le règlement peut même interdire totalement l’installation de pergolas dans certains secteurs, notamment dans les zones protégées ou classées.

Les règles de mitoyenneté et le droit de voisinage constituent une autre source majeure de litiges. L’article 678 du Code civil impose une distance minimale de 1,90 mètre entre la pergola et la limite séparative si celle-ci comporte des vues droites sur la propriété voisine. Le non-respect de cette règle peut justifier une action en justice et l’application de mesures conservatoires.

Les litiges peuvent également naître de troubles anormaux de voisinage, notion jurisprudentielle qui sanctionne les nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage. Une pergola peut générer de tels troubles par son impact visuel, l’ombre portée sur le terrain voisin, ou la perte d’intimité qu’elle occasionne.

Dans les copropriétés, l’installation d’une pergola est soumise au règlement de copropriété et nécessite généralement une autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, conformément à l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.

La jurisprudence a précisé ces différentes règles au fil du temps. Ainsi, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 juin 2019 (n°18-14.175), a rappelé que même une pergola démontable peut être qualifiée de construction au sens du Code de l’urbanisme et doit respecter les règles d’implantation par rapport aux limites séparatives.

Typologie des litiges courants

  • Défaut d’autorisation administrative (absence de déclaration préalable ou de permis de construire)
  • Non-conformité aux règles d’urbanisme locales (hauteur excessive, matériaux interdits)
  • Violation des règles de prospect et de distances par rapport aux limites séparatives
  • Atteinte à l’esthétique d’un site protégé ou classé
  • Troubles anormaux de voisinage (perte d’ensoleillement, atteinte à l’intimité)

La compréhension de ces fondements juridiques est indispensable pour déterminer la légitimité d’une demande de mesures conservatoires et choisir les actions appropriées face à un litige concernant une pergola. Ces mesures ne peuvent être ordonnées que s’il existe un fondement juridique sérieux à la contestation et un risque d’aggravation du préjudice en l’absence d’intervention rapide.

Nature et conditions des mesures conservatoires applicables

Les mesures conservatoires constituent un ensemble de dispositifs juridiques provisoires visant à préserver les droits des parties dans l’attente d’une décision définitive sur le fond du litige. Dans le contexte spécifique des pergolas, ces mesures revêtent une importance particulière car elles permettent d’éviter l’aggravation d’un préjudice ou la création d’une situation irréversible.

Le référé, procédure d’urgence prévue aux articles 808 et suivants du Code de procédure civile, représente la voie privilégiée pour obtenir des mesures conservatoires. L’article 809 du même code permet au juge des référés de prescrire les mesures conservatoires nécessaires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Pour qu’une mesure conservatoire soit accordée dans un litige relatif à une pergola, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies :

Premièrement, l’urgence doit être caractérisée. Cette notion, appréciée souverainement par le juge, suppose que le demandeur démontre qu’un retard dans la prise de décision aggraverait significativement sa situation. Par exemple, la poursuite de la construction d’une pergola manifestement illégale peut justifier l’urgence si elle risque de causer des dommages irréversibles à la propriété voisine.

Deuxièmement, la demande doit s’appuyer sur un motif légitime. Le juge examine si, à première vue et sans préjuger du fond, la prétention du demandeur repose sur des arguments juridiques sérieux. Une pergola construite sans autorisation administrative ou en violation manifeste des règles d’urbanisme peut ainsi justifier des mesures conservatoires.

Troisièmement, l’existence d’une contestation sérieuse ne doit pas faire obstacle à la mesure demandée. Si le défendeur soulève des arguments juridiques solides qui nécessitent un examen approfondi, le juge des référés peut estimer qu’il n’est pas compétent pour trancher et renvoyer les parties au juge du fond. Toutefois, même en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés reste compétent pour ordonner des mesures conservatoires si les circonstances l’exigent.

Quatrièmement, la mesure sollicitée doit présenter un caractère provisoire. Elle ne doit pas préjuger de la solution définitive du litige ni créer une situation irréversible. Ainsi, la suspension temporaire des travaux d’une pergola peut être ordonnée, mais sa démolition définitive relève normalement du juge du fond, sauf si l’illégalité est manifeste et ne souffre d’aucune contestation sérieuse.

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Les types de mesures conservatoires susceptibles d’être prononcées dans les litiges relatifs aux pergolas sont variés :

  • La suspension des travaux en cours (mesure la plus fréquente)
  • L’interdiction d’utiliser la pergola litigieuse
  • La consignation de sommes pour garantir la remise en état éventuelle
  • La désignation d’un expert judiciaire pour évaluer la conformité de la construction
  • L’astreinte pour garantir l’exécution des mesures ordonnées

La jurisprudence a précisé les contours de ces mesures. Dans un arrêt du 5 mars 2020, la Cour d’appel de Lyon a confirmé une ordonnance de référé suspendant les travaux d’une pergola dont la hauteur semblait manifestement contraire aux dispositions du PLU, considérant que la poursuite des travaux était susceptible de causer un préjudice difficilement réparable au voisin.

En matière de mesures conservatoires, le principe de proportionnalité guide l’action du juge. La mesure ordonnée doit être strictement nécessaire et proportionnée au risque encouru. Une suspension partielle des travaux sera privilégiée si elle suffit à préserver les droits du demandeur, plutôt qu’une interdiction totale qui pourrait causer un préjudice excessif au défendeur.

Procédures d’obtention des mesures conservatoires

L’efficacité des mesures conservatoires dans les litiges liés aux pergolas dépend largement de la rapidité et de la pertinence des procédures engagées. La maîtrise de ces procédures constitue donc un enjeu majeur pour les parties au litige et leurs conseils juridiques.

La voie procédurale privilégiée pour obtenir des mesures conservatoires est le référé, procédure d’urgence qui permet une intervention rapide du juge. Deux types de référés peuvent être mobilisés dans les litiges relatifs aux pergolas :

Le référé d’urgence, prévu à l’article 834 du Code de procédure civile, permet au président du tribunal judiciaire d’ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. Ce référé est particulièrement adapté lorsque l’illégalité de la pergola n’est pas manifeste mais que l’urgence commande une intervention judiciaire.

Le référé de prévention ou référé-dommage imminent, fondé sur l’article 835 du même code, autorise le juge à prescrire les mesures conservatoires nécessaires pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Ce référé est pertinent lorsque la pergola en construction présente un danger immédiat ou une violation évidente des règles applicables.

La procédure de référé débute par une assignation, acte de procédure délivré par un huissier de justice, qui informe le défendeur de la date d’audience et des demandes formulées à son encontre. Cette assignation doit respecter un formalisme strict, sous peine de nullité, et contenir une exposition précise des motifs justifiant le recours aux mesures conservatoires.

Le délai d’assignation en référé est généralement de quinze jours, mais peut être réduit en cas d’extrême urgence par une autorisation spéciale du président du tribunal. Cette possibilité est particulièrement utile lorsque les travaux d’une pergola progressent rapidement et risquent de causer un préjudice irrémédiable avant l’audience normalement prévue.

Lors de l’audience de référé, la charge de la preuve incombe principalement au demandeur qui doit établir l’urgence et le bien-fondé apparent de sa demande. La constitution d’un dossier probatoire solide est donc essentielle et peut inclure :

  • Des photographies datées montrant l’évolution des travaux de la pergola
  • Des plans cadastraux et documents d’urbanisme démontrant la non-conformité
  • Des attestations de témoins concernant les nuisances occasionnées
  • Des constats d’huissier pour objectiver la situation litigieuse
  • Des rapports techniques préliminaires évaluant l’impact de la construction

À l’issue de l’audience, le juge des référés rend une ordonnance qui peut accorder tout ou partie des mesures sollicitées, ou les refuser si les conditions ne sont pas réunies. Cette ordonnance est exécutoire de plein droit, c’est-à-dire qu’elle peut être mise en œuvre immédiatement, même si un recours est formé contre elle.

L’ordonnance de référé peut faire l’objet d’un appel dans un délai de quinze jours à compter de sa signification. Cet appel n’est pas suspensif, sauf si le premier président de la cour d’appel en décide autrement par une ordonnance spéciale sur requête.

En parallèle du référé, d’autres procédures peuvent être envisagées pour obtenir des mesures conservatoires :

La requête, procédure non contradictoire prévue à l’article 493 du Code de procédure civile, permet d’obtenir une ordonnance sans que l’adversaire en soit informé préalablement. Cette voie exceptionnelle n’est admise que dans des circonstances très particulières, notamment lorsque l’effet de surprise est nécessaire pour préserver l’efficacité de la mesure.

Les saisies conservatoires, régies par les articles L.511-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, permettent de bloquer les biens du débiteur pour garantir le paiement futur d’une créance. Cette mesure peut être pertinente lorsque le litige relatif à la pergola implique également des enjeux financiers substantiels.

La stratégie procédurale doit être adaptée aux particularités de chaque affaire et tenir compte des délais, des coûts et des chances de succès des différentes options disponibles. La consultation préalable d’un avocat spécialisé en droit immobilier ou en droit de l’urbanisme est vivement recommandée pour optimiser cette stratégie.

Mise en œuvre et exécution des mesures conservatoires

L’obtention d’une ordonnance prescrivant des mesures conservatoires concernant une pergola litigieuse ne constitue qu’une première étape. La mise en œuvre effective de ces mesures représente un enjeu tout aussi crucial, nécessitant une connaissance approfondie des mécanismes d’exécution et des obstacles potentiels.

Une fois l’ordonnance de référé obtenue, sa signification au défendeur par huissier de justice constitue un préalable indispensable à son exécution forcée. Cette formalité, prévue par l’article 503 du Code de procédure civile, fait courir le délai d’appel et confère à la décision sa force exécutoire. La signification doit mentionner clairement les voies de recours ouvertes contre l’ordonnance et leurs délais d’exercice.

En cas d’inexécution volontaire par le défendeur, plusieurs moyens de contrainte peuvent être mobilisés :

L’astreinte, prévue aux articles L.131-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, constitue une somme d’argent à payer par jour, semaine ou mois de retard dans l’exécution de l’obligation. Le juge des référés peut prononcer une astreinte provisoire, qui sera liquidée ultérieurement en fonction de la durée du retard et du comportement du débiteur. Dans un arrêt du 12 septembre 2018, la Cour de cassation a confirmé la validité d’une astreinte de 150 euros par jour de retard pour contraindre un propriétaire à suspendre les travaux d’une pergola édifiée sans autorisation préalable.

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L’exécution forcée avec le concours de la force publique peut être sollicitée auprès du préfet lorsque l’ordonnance prescrit une obligation de faire ou de ne pas faire, comme la suspension des travaux d’une pergola. Cette voie d’exécution, encadrée par les articles L.153-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, nécessite une demande formelle au préfet, qui apprécie l’opportunité d’accorder le concours de la force publique.

La saisie-attribution sur les comptes bancaires du débiteur peut être pratiquée pour recouvrer les sommes dues au titre de l’astreinte ou des dommages-intérêts provisionnels éventuellement alloués. Cette mesure, régie par les articles L.211-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, permet de bloquer instantanément les fonds disponibles sur les comptes du débiteur à hauteur de la créance.

L’exécution des mesures conservatoires peut se heurter à diverses difficultés pratiques qu’il convient d’anticiper :

La résistance du défendeur peut prendre différentes formes, depuis le simple retard jusqu’au refus catégorique d’obtempérer. Face à cette situation, la tenue d’un journal de suivi documentant précisément les manquements constatés s’avère précieuse pour obtenir la liquidation de l’astreinte ou justifier le recours à des mesures d’exécution plus contraignantes.

Les obstacles matériels à l’exécution, comme l’impossibilité d’accéder à la propriété où se trouve la pergola litigieuse, peuvent nécessiter des autorisations judiciaires spécifiques. L’article L.153-3 du Code des procédures civiles d’exécution permet au juge d’autoriser la pénétration dans les lieux lorsqu’elle est nécessaire à l’exécution forcée.

Les voies de recours exercées par le défendeur, bien que non suspensives en principe, peuvent compliquer l’exécution des mesures conservatoires. Le défendeur peut notamment solliciter du premier président de la cour d’appel la suspension de l’exécution provisoire attachée à l’ordonnance de référé, en démontrant que cette exécution entraînerait des conséquences manifestement excessives.

La péremption des mesures conservatoires constitue un autre écueil potentiel. Certaines mesures, notamment les saisies conservatoires, deviennent caduques si elles ne sont pas suivies d’une action au fond dans un délai déterminé, généralement d’un mois. Il est donc indispensable d’engager rapidement une procédure au fond pour pérenniser les effets des mesures conservatoires obtenues.

Le suivi de l’exécution des mesures conservatoires requiert une vigilance constante. Des constats d’huissier réguliers permettent de documenter objectivement l’état d’avancement de l’exécution ou, au contraire, les manquements persistants. Ces constats constituent des preuves précieuses en cas de demande de liquidation d’astreinte ou de poursuites pour non-respect d’une décision de justice.

Les frais d’exécution des mesures conservatoires incombent en principe au débiteur, conformément à l’article L.111-8 du Code des procédures civiles d’exécution. Toutefois, leur avance est souvent à la charge du créancier, qui pourra en obtenir le remboursement ultérieurement. Le coût de ces mesures doit donc être intégré dans l’évaluation globale de la stratégie contentieuse.

Stratégies juridiques et solutions alternatives au contentieux

Face à un litige relatif à une pergola, l’obtention et l’exécution de mesures conservatoires ne représentent qu’une dimension de la stratégie juridique globale. Des approches complémentaires ou alternatives peuvent s’avérer plus adaptées selon les circonstances et les objectifs poursuivis par les parties.

La négociation directe entre les parties constitue souvent la voie la plus efficace pour résoudre un conflit lié à une pergola. Cette démarche peut intervenir avant même l’engagement d’une procédure judiciaire ou en parallèle de celle-ci. Une négociation bien menée peut aboutir à des solutions pragmatiques comme la modification des caractéristiques de la pergola (hauteur, emplacement, matériaux) ou la mise en place de dispositifs d’atténuation des nuisances (écrans végétaux, vitrage opaque).

La médiation, encadrée par les articles 131-1 et suivants du Code de procédure civile, offre un cadre structuré pour faciliter le dialogue entre les parties avec l’aide d’un tiers neutre et impartial. Le médiateur, souvent un professionnel du droit ou de la construction, peut proposer des solutions techniques et juridiques adaptées au litige. Un accord de médiation peut être homologué par le juge, lui conférant ainsi force exécutoire.

La conciliation, prévue aux articles 128 et suivants du Code de procédure civile, représente une autre voie amiable de résolution des litiges. Le conciliateur de justice, auxiliaire de justice bénévole, peut être saisi gratuitement et tente de rapprocher les points de vue pour parvenir à un accord. Cette procédure rapide et peu formaliste est particulièrement adaptée aux litiges de voisinage de faible intensité.

La transaction, définie à l’article 2044 du Code civil comme un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, peut intervenir à tout moment du litige. Ce contrat, qui doit comporter des concessions réciproques, a l’autorité de la chose jugée en dernier ressort et peut être assorti de conditions suspensives ou résolutoires garantissant son exécution.

En parallèle de ces approches amiables, des stratégies contentieuses élaborées peuvent être déployées :

L’action en démolition fondée sur l’article L.480-14 du Code de l’urbanisme permet à la commune d’obtenir la démolition d’une construction édifiée en méconnaissance des règles d’urbanisme. Cette action, qui se prescrit par dix ans, constitue une menace sérieuse pour le propriétaire d’une pergola irrégulière et peut l’inciter à rechercher une solution amiable.

Le recours administratif contre une autorisation d’urbanisme délivrée pour une pergola peut être exercé par un voisin qui s’estime lésé. Ce recours, qui doit être formé dans un délai de deux mois à compter de l’affichage de l’autorisation sur le terrain, peut aboutir à l’annulation de celle-ci par le tribunal administratif.

L’action en responsabilité civile pour trouble anormal de voisinage, fondée sur le principe jurisprudentiel selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage », permet d’obtenir des dommages-intérêts compensant le préjudice subi du fait d’une pergola gênante, même si celle-ci est régulière au regard des règles d’urbanisme.

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La combinaison optimale de ces différentes approches dépend de nombreux facteurs, notamment :

  • La nature et l’ampleur de l’irrégularité affectant la pergola
  • La qualité des relations entre les parties avant la survenance du litige
  • Les enjeux financiers liés à la modification ou à la suppression de la pergola
  • La volonté de préserver une relation de voisinage à long terme
  • Les délais acceptables pour parvenir à une solution définitive

Une analyse coûts-avantages rigoureuse de chaque option permet d’élaborer une stratégie adaptée aux objectifs du client. Cette analyse doit intégrer non seulement les coûts financiers directs (frais de procédure, honoraires d’avocats, d’experts) mais également les coûts indirects (temps consacré au litige, stress, détérioration des relations de voisinage).

La temporalité des actions engagées revêt une importance particulière. Si les mesures conservatoires visent à geler une situation dans l’urgence, la stratégie globale doit s’inscrire dans une perspective à plus long terme. Ainsi, l’obtention d’une suspension des travaux par voie de référé peut créer un rapport de force favorable pour engager ensuite une négociation dans des conditions plus sereines.

L’anticipation des réactions de l’adversaire constitue un aspect fondamental de la stratégie juridique. La connaissance de sa personnalité, de ses contraintes et de ses objectifs permet d’adapter la démarche et d’identifier les leviers de négociation les plus efficaces.

Perspectives pratiques et recommandations pour les professionnels

Les litiges relatifs aux pergolas et les mesures conservatoires qui peuvent en découler soulèvent des questions pratiques spécifiques pour les différents acteurs impliqués. Cette section propose des recommandations concrètes pour les professionnels du droit, les constructeurs et les propriétaires, afin de prévenir les contentieux ou de les gérer efficacement.

Pour les avocats confrontés à un litige concernant une pergola, plusieurs bonnes pratiques peuvent être identifiées :

La constitution d’un dossier probatoire solide doit intervenir dès les premières consultations avec le client. Ce dossier comprendra idéalement des photographies datées et géolocalisées de la pergola litigieuse, des plans précis indiquant les distances par rapport aux limites séparatives, et des extraits du règlement d’urbanisme applicable. Ces éléments seront déterminants pour évaluer les chances de succès d’une demande de mesures conservatoires.

L’évaluation préalable de l’urgence et du préjudice allégué doit être réalisée avec rigueur. Une expertise privée préliminaire peut s’avérer utile pour objectiver le préjudice subi ou à venir (perte d’ensoleillement, dépréciation immobilière, atteinte à l’intimité). Cette évaluation permettra de déterminer si le recours aux mesures conservatoires est justifié ou si d’autres voies procédurales sont plus appropriées.

La rédaction minutieuse des actes de procédure, notamment de l’assignation en référé, conditionne l’efficacité des mesures conservatoires. Les demandes doivent être formulées avec précision, en distinguant clairement les mesures d’instruction (expertise) des mesures de sauvegarde (suspension des travaux) et en justifiant spécifiquement l’urgence pour chacune d’elles.

Pour les constructeurs et installateurs de pergolas, la prévention des litiges passe par plusieurs précautions :

La vérification systématique du cadre réglementaire applicable avant toute installation constitue une mesure de prudence élémentaire. Cette vérification doit porter non seulement sur les règles nationales d’urbanisme, mais également sur les dispositions spécifiques du plan local d’urbanisme, du plan de prévention des risques, et le cas échéant, sur le règlement de copropriété ou du lotissement.

L’information complète du client sur ses obligations déclaratives et sur les risques juridiques encourus en cas de non-respect de la réglementation permet de responsabiliser le maître d’ouvrage et de protéger le professionnel contre d’éventuels recours ultérieurs.

La documentation photographique de l’état des lieux avant l’installation et des différentes étapes de la construction constitue une précaution utile en cas de contestation ultérieure. Ces photographies, horodatées et géolocalisées, peuvent démontrer la conformité des travaux aux règles applicables et aux engagements contractuels.

Pour les propriétaires souhaitant installer une pergola, plusieurs recommandations peuvent être formulées :

La consultation préalable du service d’urbanisme de la commune permet de connaître précisément les règles applicables et d’anticiper d’éventuelles difficultés. Cette démarche informelle peut être complétée par une demande de certificat d’urbanisme opérationnel, qui sécurise juridiquement le projet en figeant les règles applicables pendant 18 mois.

L’information des voisins avant le début des travaux, bien que non obligatoire, peut prévenir de nombreux conflits. Cette communication transparente permet d’identifier d’éventuelles préoccupations et d’y répondre avant qu’elles ne se transforment en contentieux.

Le respect scrupuleux de l’autorisation d’urbanisme obtenue est indispensable pour éviter toute contestation ultérieure. Tout changement significatif par rapport au projet autorisé doit faire l’objet d’une déclaration modificative ou d’une nouvelle demande d’autorisation.

Face à l’évolution constante de la jurisprudence en matière de pergolas, une veille juridique régulière s’impose aux professionnels du secteur. Plusieurs tendances récentes méritent d’être soulignées :

La qualification juridique des pergolas fait l’objet d’une jurisprudence nuancée, qui distingue selon les caractéristiques de l’ouvrage. Dans un arrêt du 12 avril 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’une pergola bioclimatique à lames orientables devait être considérée comme une extension du bâtiment principal et non comme une simple annexe, avec les conséquences qui en découlent en termes d’autorisation d’urbanisme.

La prescription de l’action publique en matière d’infraction aux règles d’urbanisme a été modifiée par la loi ELAN du 23 novembre 2018, qui a porté le délai de prescription à six ans à compter de l’achèvement des travaux. Cette évolution législative renforce la nécessité de régulariser les situations litigieuses dans les meilleurs délais.

L’appréciation du trouble anormal de voisinage causé par une pergola fait l’objet d’une jurisprudence de plus en plus précise. Dans un arrêt du 19 janvier 2022, la Cour de cassation a confirmé que l’installation d’une pergola causant une perte significative d’ensoleillement et de luminosité pour le voisin constituait un trouble anormal de voisinage, même en l’absence de violation des règles d’urbanisme.

En définitive, la gestion efficace des litiges relatifs aux pergolas et le recours approprié aux mesures conservatoires requièrent une approche à la fois technique, juridique et humaine. La maîtrise des règles procédurales doit s’accompagner d’une compréhension fine des enjeux pratiques et relationnels sous-jacents pour aboutir à des solutions pérennes et satisfaisantes pour l’ensemble des parties prenantes.